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La recherche clinique en ville, l’interview d’Hubert Méchin

Introduction

Bien que la recherche clinique existe depuis très longtemps, elle commence tout juste à se développer de plus en plus. Les raisons sont nombreuses : des professionnels de santé peu sensibilisés, formés et informés à ces sujets. Pourtant, la recherche clinique offre de nombreux avantages, dans un premier temps pour le professionnel de santé qui exercent en ville, pour ses patients, et plus globalement pour l’amélioration du système de santé en France et dans le monde. Pour mieux comprendre les enjeux et défis que rencontre ce secteur, nous avons interrogé Hubert Méchin, président de l’AFCROs.

Hubert, vous travaillez avec stane depuis plusieurs mois, pouvez-vous me dire quelques mots sur votre parcours et ce qui vous a amené à devenir président de l’AFCROs ? 

Je suis médecin de formation. J’ai exercé la médecine pendant 7 ans, pour ensuite me réorienter dans l’industrie pharmaceutique et notamment la recherche clinique. J’ai intégré une première CRO (société de recherche sous contrat) il y a 30 ans, et je n’ai plus quitté le secteur de la recherche clinique. Après cette première expérience j’ai créé ma propre CRO que j’ai revendu et j’ai créé d’autres sociétés. Je suis donc toujours resté dans le domaine de la recherche clinique. J’ai dès le début été dans les premiers acteurs qui ont créé l’AFCROs il y a 21 ans et assez rapidement j’ai été dans les instances gouvernants de l’AFCROs au comité de directeur. J’ai été élu président en 2021 et reconduit en 2023.  

J’ai créé plusieurs groupes de travail ! Je suis très animé par cet objectif de développer tous les atouts qu’a la France en matière de recherche clinique, pour favoriser cette activité.  

L’AFCROs, c’est une association qui représente aujourd’hui 80% des sociétés de recherche sous contrat avec une centaine d’adhérents, 12 groupes de travail, beaucoup d’événements au cours de l’année, ce qui fait que l’on est toujours à la pointe de l’innovation et des nouveautés en matière de recherche clinique.  

Avez-vous un exemple d’innovations récemment menées ? 

En outils pour la recherche, nous avons récemment créé un groupe de travail sur l’intelligence artificielle, et on voit bien que l’IA est en train de transformer nos métiers sur plusieurs aspects. Il y a aussi les technologies de recueil de l’information, le consentement dématérialisé, etc. On parle maintenant d’essais cliniques décentralisés. En effet, on peut faire les choses à distance afin de garder le patient dans son environnement et lui éviter de faire 200km pour aller voir un médecin investigateur. Il y a beaucoup d’évolutions et d’innovations dans ce domaine et nous essayons à l’AFCROs d’être très en amont sur ces sujets et de faire parler tous les acteurs qui gravitent autour de cet écosystème.  

En tant que président de l’AFCROs, quelle est votre vision de la recherche en ville ? Qu’est-ce qu’elle peut apporter aux professionnels de santé ? Et plus largement à la population ? 

Le premier moteur et intérêt va se situer au niveau des patients. Participer à un essai clinique pour un patient c’est : accéder à une innovation thérapeutique, à un médicament qui n’est pas encore sur le marché, mais qui a déjà fait ses preuves. C’est aussi accéder pour un malade chronique ou un malade atteint d’une pathologie grave, à une thérapeutique innovante. 

Pour les médecins, inclure leurs patients dans des essais cliniques leur permet de bénéficier de nouvelles thérapies et de médicaments prometteurs. Cela offre également aux médecins la possibilité de s’impliquer activement dans la recherche clinique, une composante essentielle de la pratique médicale. Être médecin, ce n’est pas seulement soigner, c’est aussi participer à la recherche. 

La recherche clinique ne concerne pas uniquement les médecins hospitaliers. Les médecins de ville y participent aussi. Ils peuvent contribuer à des travaux et publications scientifiques issus d’essais cliniques tout en bénéficiant d’une source complémentaire de revenus. 

Comment se place le patient face à cela ?  

Il y a toujours une crainte parce que le médicament est par définition “pas sur le marché”, ce qui signifie qu’il n’a pas encore fait toutes ses preuves. Il y a des questions qui se posent en effet : « est-ce qu’il va être efficace ? » « est-ce qu’il va être bien toléré ? ». Néanmoins les patients doivent y consentir. Pour avoir ce consentement ils doivent être éclairés et précautionneusement informés de cette part de risque qui existe. Au même titre qu’un médicament avec des effets secondaires. 

La plupart des essais cliniques d’enregistrement des médicaments, sont des essais en double aveugle contre placebo. Cela signifie qu’une moitié des patients ayant accepté de participer à l’étude prennent le médicament et une autre moitié prend le placebo, donc un médicament qui le même aspect mais sans le principe actif. Personne ne sait qui prend quoi, ni le médecin ni le patient. Le but est de faire ressortir la supériorité du médicament. À la fin de l’essai, pour les patients ayant été tirés au sort et qui ont pris le placebo on leur fourni le médicament pour leur permettre de bénéficier de cette prise en charge. Mais les patients sont très clairement informés de ce schéma-là.  

Comment l’AFCROs améliore-t-elle la qualité des essais cliniques en France ?  

Pour adhérer à l’AFCROs, il faut signer une charte de bonnes pratiques des essais cliniques. De ce fait, tous les adhérents membres de l’association ont signé cette charte dans laquelle ils s’engagent à réaliser les essais cliniques selon les bonnes pratiques cliniques. Il s’agit d’un document qui est régulièrement révisé et qui régit la profession. L’AFCROs participe à la rédaction de tous les textes réglementaires, donc on donne notre avis d’expert. Cela garantit que la recherche clinique se déroule dans les règles de l’art. Nous organisons très régulièrement des évènements afin de rassembler les institutionnels, les académiques, les acteurs investigateurs, les promoteurs d’études afin de découvrir toutes les nouveautés du secteur. 

Qu’est-ce que ça signifie pour vous une recherche clinique éthique, responsable et durable ? En quoi ces valeurs sont-elles fondamentales dans le secteur de l’innovation en santé ? 

Le domaine de la recherche clinique est un des domaines qui a été le plus réglementé sur le plan éthique. Il y a beaucoup de textes fédérateurs qui ont plusieurs dizaines d’années et qui font que la recherche clinique est éthique. Cette éthique elle passe par l’information, le consentement et d’autres mesures qui vont assurer le respect et l’intégrité physique et morale du patient qui se livre à la recherche. Cela fait très longtemps que la recherche est éthique et responsable. 

De plus, nous essayons aujourd’hui de trouver des mesures pour réduire l’empreinte carbone des essais cliniques en évitant au patient de faire des kilomètres pour aller chez son médecin investigateur. C’est pour cela qu’on parle de recherche clinique plus durable. 

En quoi le rôle des professionnels de santé de ville est essentiel dans le développement d’études cliniques et la diffusion d’innovations médicales en ville sur l’ensemble du territoire ?  

 90% des soins des patients se passent en ville. Même pour une pathologie lourde où le patient est hospitalisé pour un acte chirurgical ou pour une chimiothérapie, l’essentiel se passe en ville. La vie du patient se passe en ville avec des médecins de ville, qu’ils soient généralistes ou spécialistes. Le fait est qu’aujourd’hui, il y a un vrai déficit puisque la recherche clinique est concentrée à 80% à l’hôpital alors que ce n’est pas là que se passe la vraie vie du patient. C’est pourquoi il faut que les médecins qui exercent en ville participent à des essais cliniques, même pour des pathologies traitées à l’hôpital. 

Pendant longtemps, il y a eu un important manque d’essais cliniques en médecine de ville. Cependant, cela est en train de changer grâce à des initiatives, comme celle de stane, visant à réintégrer, développer et promouvoir la recherche clinique en ville. 

Cela nécessite effectivement que les médecins de ville soient formés et informés.